L'intermittence

Les strass, les paillettes, le tapis rouge à Cannes.

Tu t'y vois déjà.

Tu sors de 3 ans d'études dans une école d'audiovisuelle parisienne. 3 ans à dépenser ton temps, ton énergie et 21000 € pour obtenir après tous ces efforts le Saint Graal, le passeport pour l'avenir : ton diplôme !

IL est imprimé sur un papier "ancien" enroulé dans un ruban rouge flamboyant et te promet un avenir sans turbulence.

Tu le sais, ton avenir est certain, tu recevras bientôt un césar pour la meilleure régie générale sur le dernier film de Xavier D.

Sauf que (oui il y a un "sauf que"), ce que le prof qui te remet ton fameux passe droit oublie de te dire c'est que ce beau métier, ce "métier passion" comme il l'appelle, va te faire tourner en bourrique pendant les 5 premières années de ta vie professionnelle.

Car après ton stage de fin d'étude, qui aura duré 2 mois et pendant lequel tu auras bossé 75 heures par semaines pour un salaire de 437.03€ par mois, tu te retrouveras dans l'inactivité la plus totale comptant les jours qui te séparent des vacances de tes amis avec impatience. Oui, parce que toi, tu es en vacances tout le temps, et tes potes t'envient et te disent des choses comme "putain, t'as trop de chance, si j'étais toi, j'irai me faire de c'te sorties, moi j'ai pas le temps, j'ai la tête dans le sac tout le temps j'en peux plus..."

Et toi dans ta Ford intérieure tu te dis que ta "chance", t'aimerai bien qu'elle tourne, parce que au bout de 8 mois de comatage intensif devant "Plus  belle la vie" (série sur laquelle, soyons honnête, tu rêverais de bosser) tu n'as plus qu'une envie, prouver au monde que le minable petit bout de parchemin que tu as reçu à la fin de tes études n'est pas là par hasard.

Tu dois prouver au monde que tu mérite de travailler...


Et un beau matin (vers 11h35, oui tu te reveilles dans ces eaux la...) un copain t'appelle et te propose de le remplacer sur une émission à la con qui paye mal et où les horaires sont aussi illégaux qu'une prostituée violant un bébé mouton (c'est dire le niveau..)
Mais tu acceptes parce que le crédit de tes études ne va pas se rembourser tout seul et la marque de ton corps dans ton canapé commence à t'angoisser.
Oui, ça y est, tu as un pied dedans, dans le monde du SHOW BIZZ, des strass et des paillettes,
des horaires interminables, de la vie sociale qui perd tout son sens mais tu est ravi de bosser ENFIN !!

Si tu as été attentif au début, tu auras pu lire "5 ans" de galère. Nous n'en sommes qu'a une années. Sois tranquille, je ne vais pas relater les 4 années qui suivent.
Juste, saches que ce monde est un monde de requin, qu'il faut se battre pour y arriver, et même si parfois tu accepte de finir plus tard, en n'ayant pas les heures supplémentaires payées, tu risques d'avoir ce qu'on appelle un retour de bâton : tu ne seras même pas rappeler pour le tournage suivant..va savoir pourquoi... A être trop gentil on passe pour la bonne poire...

Alors jeune intermittent(e), oui, tu galères pour avoir ton statut et oui il faut se battre, mais non, ce n'est pas une raison pour fermer sa gueule et accepter tout et n'importe quoi... Tu peux refuser du travail s'il ne respecte pas tes convictions, après si tu n'en a aucune c'est un autre débat...